Georgette
Giraud
Personnellement,
je n’ai été témoin que de peu de chose pendant l’occupation.
Tout ce que j’ai su, je l’ai appris plus tard par mon futur mari
Michel Giraud. Il n’appartenait pas à un réseau mais il
a fait « sa petite résistance » à lui :
J’étais très jeune. Je n’avais que 12 ans. Cela s’est
passé à Moulins 03 (Allier). Préfecture de l’allier,
berceau des rois de France en zone occupée à 50 km de Vichy zone
libre.
Moulins était divisée en 2 parties : 2/3 en zone occupée,
1/3 en zone libre Quartier de la Madeleine.
Le pont Règemortes qui enjambait la rivière de l’allier,
délimitait la ligne de démarcation, toujours gardée par
les sentinelles allemandes.
Les personnes qui protégeaient les pourchassés, risquaient comme
eux, où le poteau d’exécution, ou étaient retenues
comme otage dans la « Mal Coiffée », une tour vestige du
château des Ducs de Bourbon.
Il y avait dans la ville, côté occupé, la rue de Villars.
Dans cette rue, était une manière de château dans un parc,
où siégeait et sévissait la Gestapo. On y entendait paraît-il
, les cris des pourchassés,torturés, parfois jusqu’à
la mort. Personnellement,je ne passais jamais dans cette rue,tant j’avais
peur.
Tout ce que j’ai appris de ces actes de courage, l’a été
plus tard, par mon mari Michel Giraud, âgé alors de 24ans. Il travaillait
dans les services de la Préfecture.
Sa secrétaire Madame Avignon, ma voisine, a été arrêtée
chez elle en pleine nuit relâchée heureusement quelques jours plus
tard.
Madame Combaret, assistance sociale, ma voisine immédiate, était
chef de réseau, nous ne le savions pas.
Michel Giraud, un jour qu’il descendait l’escalier au pied de la
« Mal Coiffée », a été sifflé par un
prisonnier derrière les barreaux, Ce dernier lui a lancé un papier
écrit de son propre sang, à l’adresse de sa famille, à
Vichy. Le papier miraculeusement tombe à ses pieds (il demandait des
médicaments) il a pu le soustraire à la barbe de la sentinelle
allemandes. Michel a pu transmettre le papier, en passant à la Madeleine,
dans le guidon de son vélo, sur le pont Règemortes.
Une autre fois, il était sur la plage de l’allier avec un groupe
dont 2 jeunes juives. Pendant que les garçons « distrayaient »
les sentinelles, les 2 filles ont pu nager sous l’eau pour rejoindre l’autre
rive libre. Tandis que les camarades passaient les vêtements bien dissimulés,
comme si de rien n’était, en présentant les ausweis bien
sûr.
Michel Giraud charger (de force) par la Préfecture, de convoyer par le
train jusqu’à Nevers, des hommes réquisitionnés pour
le STD (service du travail obligatoire en Allemagne), les cartes d’identité
leur avaient été confisquées en partie. Pendant 55km, Michel
les leur a redistribuées. Comme le train n’allait pas vite, certains
ont pu sauter et se perdre dans la nature. En sorte qu’il n’y avait
plus grand monde à l’arrivée à Nevers. Michel été
conduit à la Kommandantur pendant un jour, questionné et menacé,
il a pu comme même rester intact sur la pression de la Préfecture
de Moulins, qui détenait haute autorité sur les allemands.
Un ami de Michel, Mr.Tinland, jeune avocat et résistant, est resté
2 mois à le « Mal Coiffée », dans un cachot, où
il ne pouvait même pas se tenir debout. Affreusement torturé et
mutilé, mais libéré à la fin de l’occupation,
il n’a survécu que quelques années.
Notre future aide ménagère Madame Roberls alors âgée
de 20ans, a été arrêtée un dimanche, avec en sa possession,
quelques livres et appareil de photo, qui n’avaient pourtant pas grand
intérêt. Elle est restée plusieurs jours dans un cachot,
sur la paille humide, avec des détenues de droit commun.
Mon professeur d’allemand, l’abbé Bearemont, « fréquentait
» beaucoup la Kommandantur, pas pour collaborer, mais pour recueillir
des renseignements qu’il communiquer à un réseau. Incarcéré
3 semaine, il n’a du sa liberté qu’à la fin de l’occupation
en septembre 44.
Monsieur et Madame Taque, résistants, propriétaires du Café
du Théâtre, ont été dénoncés et envoyés
en camp de concentration. Lui n’est jamais revenu. Mme Taque est rentrée
en tenue de baignardes. Michel est allé l’accueillir avec la Croix-Rouge
à la gare de Moulins. Leur fils a été professeur de Madame
Rutily-Giraud en 1ère année de Fac à Clermont-Ferrand.
Un matin dans ma classe, est arrivé une camarade en pleurs. Son oncle,
maire de Moulins-Yzeure venait d’être arrêté, et envoyé
en camp de concentration. Quand il en est revenu, il pesait 39kg.
N’oublions pas Mr.Breslier allier sur la ligne de démarcation,
courageux « passeur d’hommes ».
Voilà tout ce que j’ai pu retenir. J’ai omis certainement
d’autres actes courageux, ou que je n’ai pas sus. C’est si
loin et si proche à la fois. Mois j’en parle encore très
souvent autour de moi, pour que ne soient jamais oubliées les horreurs
de l’occupation.
Mais retenons ceci : Ni haine, ni oubli.